Mathématiques et Informatique Appliquées
du Génome à l'Environnement

 

 

L’étude d’hypermutateurs de la bactérie Bacillus subtilis dévoile la façon dont la correction sur épreuve biaise le profil des erreurs de réplication de l’ADN

Résumé

Résumé :

Les mutations dans les génomes sont responsables de dysfonctionnements mais génèrent la diversité nécessaire à l’évolution. Les erreurs de réplication de l’ADN commises par les polymérases constituent une source majeure de mutations ponctuelles. Le taux de mutation spontanée qui en résulte dépend également de l'activité des mécanismes de correction des erreurs ; l'apparition de phénotypes hypermutateurs favorisant des périodes d'évolution rapide, dans la nature comme en laboratoire. 

Des scientifiques de l’Institut Micalis et de l’unité MaIAGE (UPSay/INRAE Jouy-en-Josas) ont étudié comment les taux de mutations lors de la réplication de l’ADN dépendent des contributions respectives de la sélectivité initiale des nucléotides par l’ADN polymérase, de l’auto-correction des erreurs par l’ADN polymérase dite correction sur épreuve, et de la correction après synthèse du nouveau brin par le système de réparation des mésappariements. Leur analyse montre que la correction sur épreuve engendre un étirement du profil mutationnel par amplification des biais initiaux dans la sélectivité des nucléotides. Cette tendance pourrait constituer un inconvénient inhérent au principe de la correction sur épreuve, qui, bien qu’essentielle pour maintenir très bas les taux de mutation, corrigerait mieux les erreurs qui sont déjà les moins fréquentes. Les résultats ont été publiés dans la revue Nucleic Acids Research et ouvrent la voie à la conception d’approches d’évolution dirigée en laboratoire exploitant de manière rationnelle les hypermutateurs conditionnels.

Contexte et enjeux

Les mutations dans les génomes sont responsables de dysfonctionnements mais génèrent la diversité nécessaire à l’évolution. Les erreurs de réplication de l’ADN commises par les polymérases constituent une source majeure de mutations ponctuelles. Le taux de mutation spontanée qui en résulte dépend également de l'activité des mécanismes de correction des erreurs ; l'apparition de phénotypes hypermutateurs favorisant des périodes d'évolution rapide, dans la nature comme en laboratoire. L’étude des taux de mutation et des mécanismes moléculaires qui les façonnent a pour but de comprendre les processus fondamentaux du vivant et de fournir des outils pour mieux maîtriser l’évolution dirigée en laboratoire, une approche clé de la biologie de synthèse. 

Résultats

Des scientifiques de l’Institut Micalis (INRAE/AgroParisTech/UPSaclay, Jouy-en-Josas) et de l’unité MaIAGE (INRAE/UPSaclay, Jouy-en-Josas) ont étudié comment les taux de mutations lors de la réplication de l’ADN dépendent des contributions respectives de la sélectivité initiale des nucléotides par l’ADN polymérase, de l’auto-correction des erreurs par l’ADN polymérase dite correction sur épreuve (proofreading), et de la correction après synthèse du nouveau brin par le système de réparation des mésappariements (mismatch repair ou MMR). 

Pour cela, ils ont construit des circuits génétiques permettant de supprimer temporairement les processus de correction sur épreuve et de correction par le MMR dans la bactérie modèle Bacillus subtilis ; créant ainsi des phénotypes hypermutateurs conditionnels contrôlés par ajout dans le milieu de culture d’une petite molécule qui sert de signal. Ils ont ensuite propagé ces hypermutateurs sur de nombreuses générations pour en étudier les taux de mutations. 

À l'aide de modèles mathématiques, leur analyse a porté sur les probabilités avec lesquelles les erreurs provoquent des mutations en échappant au MMR et à l’activité de correction sur épreuve selon les nucléotides adjacents dans la séquence. Elle montre que la correction sur épreuve engendre un étirement du profil mutationnel par amplification des biais initiaux dans la sélectivité des nucléotides. Selon les auteurs, cette tendance pourrait constituer un inconvénient inhérent au principe de la correction sur épreuve, qui, bien qu’essentielle pour maintenir très bas les taux de mutation, corrigerait mieux les erreurs qui sont déjà les moins fréquentes. Les résultats ont été publiés dans la revue Nucleic Acids Research. 

Perspectives

Cette étude ouvre la voie à la conception d’approches d’évolution dirigée en laboratoire exploitant de manière rationnelle les hypermutateurs conditionnels pour augmenter transitoirement le taux de mutation et toucher de façon plus homogène les différents contextes nucléotidiques. 

Valorisation

Référence correspondant au FM (du ou des articles, de l’ouvrage, du brevet… (avec DOI, ISSBN, N° brevet) I. Tanneur, E. Dervyn, C. Guérin, G. Kon Kam King, M. Jules, P. Nicolas (2025) The mutational landscape of Bacillus subtilis conditional hypermutators shows how proofreading skews DNA polymerase error rates. Nucleic Acids Res. 53(5):gkaf147. (DOI: 10.1093/nar/gkaf147)

Représentation

Légende : Biais de l’activité de correction sur épreuve lors de la réplication de l’ADN qui entraîne une meilleure correction des erreurs pour lesquelles la sélectivité initiale des nucléotides est déjà élevée. Les taux du type le plus fréquent de mutation ponctuelle (les transitions) selon les nucléotides adjacents en absence de correction par le MMR sont représentés en présence et en absence de la correction sur épreuve porté par le domaine exonucléase de PolC (MMR- PolC exo+ versus MMR- PolC exo-). 

Auteur de la photo : Matthieu JULES et Pierre NICOLAS Copyright : 


Copyright © 2025, © The Author(s) 2025. Published by Oxford University Press on behalf of Nucleic Acids Research. Creative Commons CC BY license,