Mathématiques et Informatique Appliquées
du Génome à l'Environnement

 

 

 

Une approche mécaniste pour modéliser les interactions hôte-microbiote et explorer la résilience d'une symbiose bénéfique dans l’intestin humain

Résumé

 

Ce travail, fruit d’une collaboration entre l’unité MaIAGE, l’Institut Micalis (équipe FiNE) et MetaGenoPolis, présente un modèle mathématique mécaniste pour étudier les interactions entre l’hôte et son microbiote intestinal. En couplant des équations différentielles ordinaires et partielles, le modèle représente les dynamiques des cryptes coliques, les flux dans une section du colon, les fonctions métaboliques microbiennes, et les réponses immunitaires innées. Cette approche permet de quantifier les impacts des apports alimentaires sur les biomarqueurs de symbiose intestinale et de modéliser les transitions entre des états bénéfiques et néfastes. L’étude met en lumière comment un régime riche en fibres favorise une résilience symbiotique, tandis qu’un régime pauvre en fibres et riche en protéines exacerbe les déséquilibres. Ce modèle apporte une avancée significative en explorant les facteurs critiques de la santé intestinale et pose un premier jalon dans la construction d’un jumeau numérique du colon.

CONTEXTE ET ENJEUX 

La santé de l’hôte est profondément influencée par un dialogue complexe avec son microbiote intestinal, qui forme une communauté dense et variable de micro-organismes. Les régimes alimentaires occidentaux, souvent riches en protéines et pauvres en fibres, perturbent l’équilibre hôte-microbiote en augmentant les concentrations d’oxygène luminal et en réduisant la production de métabolites bénéfiques comme le butyrate. Ces altérations favorisent l’émergence d’un microbiote dysbiotique associé à diverses pathologies inflammatoires. Ce travail propose un modèle mécaniste intégrant les processus métaboliques microbiens, les réponses immunitaires innées et les flux intestinaux pour explorer cette dynamique complexe.

RESULTATS 

Le modèle proposé repose sur une approche innovante couplant différents formalismes mathématiques pour simuler les interactions entre l’hôte et son microbiote à l’échelle des cryptes coliques et d’une section du colon. Les simulations montrent que les régimes pauvres en fibres réduisent la production de butyrate, augmentent l’oxygène luminal et déséquilibrent la composition microbienne, favorisant des groupes bactériens résistants à l’inflammation. En revanche, les régimes riches en fibres améliorent la production de métabolites bénéfiques, réduisent l’inflammation et maintiennent une résilience symbiotique bénéfique. L’analyse de biomarqueurs tels que la concentration d’oxygène et les proportions de groupes bactériens résistants à l’inflammation met en évidence des transitions claires entre des états sains et dysbiotiques. Lors d’une perturbation inflammatoire simulée, comme une brèche de la barrière épithéliale, le modèle montre que les régimes riches en fibres permettent une meilleure récupération vers un état sain, tandis que les régimes pauvres en fibres exacerbent les états néfastes. Enfin, le modèle permet de relier des marqueurs de la dynamique des cryptes du côlon à l’échelle microscopique, comme par exemple la prolifération cellulaire et la production de mucus, à l’échelle macroscopique du colon, offrant ainsi une vision intégrée et prédictive des interactions symbiotiques. Ces travaux sont le fruit d’une collaboration pluridisciplinaire entre l’unité MaIAGE et l’équipe FINE de l’institut Micalis dans le cadre du projet ERC "Homo Symbiosus". 

PERSPECTIVES 

Ce modèle constitue un premier pas vers la construction d’un jumeau numérique du colon, en fournissant une base de simulation pour comprendre et détecter précocement les déséquilibres intestinaux et évaluer la résilience de la symbiose bénéfique entre l’hôte et son microbiote. Il fournit également un premier cadre pour explorer des stratégies nutritionnelles adaptées aux pathologies inflammatoires chroniques, en mettant en avant l’importance des apports en fibres. A l’avenir, il pourrait être adapté pour d’autres applications liées à la symbiose hôte-microbiote, notamment dans des contextes pathologiques variés, comme les maladies métaboliques ou inflammatoires chroniques de l’intestin. 

RÉFÉRENCES 

> Haghebaert M., Laroche B., Sala L., Mondot S. & Doré J. (2024) - A mechanistic modelling approach of the host– microbiota interactions to investigate beneficial symbiotic resilience in the human gut. Royal Society Interface, 21.215. https://doi.org/10.1098/rsif.2023.0756

 

Schéma

 

Figure extraite de M. Haghebaert et al. (2024). https://doi.org/10.1098/rsif.2023.0756 Cette figure montre l'impact combiné simulé d'une prolifération d'oxygène à la base de la crypte et d'une sécrétion accrue d'AMP sur 3 biomarqueurs (concentration d'oxygène dans la lumière, proportion de bactéries produisant du sulfure d'hydrogène et taux de production de mucus) le long de 5 sections intestinales sous deux régimes alimentaires différents : un régime de référence (riche en fibres, en bleu) et un régime riche en protéines et pauvre en fibres (HP/LF, en orange). L'impact des perturbations est plus sévère dans le cas HP/LF, avec un écart persistant par rapport au niveau non perturbé pour les deux premiers biomarqueurs.

 

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