Les scientifiques des unités MaIAGE (INRAE) et de l’IJPB (INRAE-AgroParisTech) ont développé un modèle d'allocation des ressources à l'échelle cellulaire et moléculaire pour la cellule photosynthétique de la feuille d'Arabidopsis thaliana, basé sur la méthode de modélisation sous contraintes appelée Resource Balance Analysis (https://rba.inrae.fr/). Ce modèle, structuré autour de différents compartiments de la cellule photosynthétique, a le potentiel d’améliorer considérablement la prédiction des phénotypes des cellules végétales dans des conditions environnementales réalistes de stress abiotiques multiples et pour différents génotypes.
CONTEXTE ET ENJEUX
La compréhension et la prédiction de la réponse des cellules végétales dans des conditions environnementales complexes sont des défis majeurs en biologie végétale. En particulier, ces défis nécessitent d’élaborer des modèles de plantes plus détaillés aux échelles cellulaires, intégrant explicitement les mécanismes moléculaires couplant les différentes sources nutritionnelles apportées à la plante (eau, azote, minéraux, etc) afin de mieux comprendre l’adaptation de la plante en conditions de stress abiotiques multiples.
RESULTATS
Un premier modèle d’allocation des ressources aux échelles cellulaire et moléculaire a été développé par les scientifiques de MaIAGE et de l’IJPB pour la cellule photosynthétique de la feuille d'Arabidopsis thaliana, basé sur la méthode de modélisation sous contraintes appelée Resource Balance Analysis (RBA) dédiée aux cellules eucaryotes. Ce modèle, structuré par des compartiments de la cellule photosynthétique, intègre le réseau métabolique et les principaux processus macromoléculaires impliqués dans la croissance et la survie des cellules végétales. Il tient compte explicitement de leur localisation dans les compartiments cellulaires et intègre des liens mécanistes explicites entre génotype et phénotype de la cellule végétale. Le modèle a été simulé dans des conditions environnementales variables (température, éclairement, pression partielle de CO2 et d'O2). Les résultats ont été comparés à des distributions de ressources connues, à des traits phénotypiques quantitatifs tels que la vitesse relative de croissance ou le ratio carbone/azote et aux cinétiques de fixation de CO2 obtenues par le modèle empirique de Farquhar. Le modèle a montré une très bonne capacité de prédiction aux échelles cellulaires, tout en reproduisant des lois macroscopiques bien connues des cellules végétales comme la concentration des enzymes ou des ribosomes. Il a donc le potentiel d’améliorer considérablement la prédiction des phénotypes des cellules végétales dans des conditions environnementales réalistes, comme en limitation combinée d’apports hydriques et nutritionnels, et pour différents génotypes.
PERSPECTIVES
En utilisant des données de phénotypage et des omiques quantitatives, le modèle RBA pourra être spécialisé et calibré pour différents types de cellules végétales, différentes conditions environnementales et différents génotypes, et interfacé dans des modèles macroscopiques de plante entière (i.e. modèles structure-fonction FSPM), améliorant ainsi considérablement la capacité de prédiction de ces modèles dans des conditions de stress multiples. Il sera également utile pour étudier les organes présentant un grand intérêt agronomique, tels que les graines ou les fruits chez les végétaux. Dans un contexte de transition agroécologique et de changement climatique, il pourra contribuer à définir et prévoir les déterminants de la qualité des productions agricoles dans diverses conditions environnementales, en tenant compte de la diversité génétique.
VALORISATION
Le modèle RBA de la cellule photosynthétique d’Arabidopsis ainsi que le logiciel (PlantCellRBA) permettant de simuler, et d’analyser la sensibilité du modèle vis à vis de variations des paramètres ont fait l’objet d’une déclaration d’invention n° DI- RV-23-0101 (Domaine d’Innovation PLANTINNOV).
RÉFÉRENCES
> Goelzer A., Rajjou L., Chardon F., Loudet O. & Fromion V. - Resource allocation modeling for autonomous prediction of plant cell phenotypes, Metabolic Engineering, Volume 83, 2024, Pages 86-101, ISSN 1096-7176 https://doi.org/10.1016/j.ymben.2024.03.009

Figure extraite de la publication Goelzer et al., 2024, https://doi.org/10.1016/j.ymben.2024.03.009. Simulations du modèle RBA pour une condition de croissance environnementale non limitante à 21°C (irradiance : 1000μE/m2/s ; pressions partielles de CO2 : 200ubar et O2 : 210 mbar). Les nombres indiqués dans les différents graphiques et tableaux sont un sous-ensemble des prédictions obtenues au taux de croissance relatif maximal prédit.