Au sein de la filière laitière, les bactéries sont essentielles au bon déroulement de l’étape d’acidification (bactéries acidifiantes) et au développement organoleptique et de la typicité des fromages (bactéries d’affinage), ce qui font d’elles un atout fort pour la valorisation des produits de terroir. La provenance de ces bactéries d’intérêt peut être soit autochtone (apport par la matière première et/ou l’environnement) ou volontaire (utilisation de ferments). Parmi les bactéries d’affinage, on retrouve à la fois des espèces importantes pour l’apparition de la pigmentation des produits (Brevibacterium spp., Corynebacterium spp., Staphylococcus spp., …), l’apparition d’ouverture (Propionibacterium spp., Leuconostoc spp., …) ou encore le développement d’arôme (Lactobacillus spp., Hafnia alvei, Leuconostoc spp., …). Le lien entre la typicité des produits laitiers fermentés et l’activité des bactéries autochtones est bien établi.
Les bactériophages, ou phages, sont des virus ciblant exclusivement les bactéries. Il est connu que l’impact économique, social et environnemental des phages des bactéries acidifiantes peut être particulièrement sévère (déclassement et destruction de produits, gaspillage de matières premières dans un contexte économique délicat, …). Cependant, peu ou pas de connaissances existent en ce qui concerne les phages capables d’infecter les bactéries d’affinage. De plus, aucun outil n’est disponible ni pour les caractériser ni pour les détecter ce qui rend l’évaluation de leur incidence particulièrement délicate et réalisée uniquement de manière empirique.
Dans ce contexte, le projet PHAGOFROM a pour objectif de sensibiliser les parties prenantes à la composante “phages” de leurs écosystèmes. Afin de s’en donner les moyens, PHAGOFROM vise à appréhender plus finement les répercussions économiques et l’impact potentiel sur la qualité des produits des attaques de phages des bactéries d’affinage, en prenant en compte des facteurs divers (saisonnalité, taille des exploitations, pratiques, utilisation de ferments en intrant, …).
La finalité du projet PHAGOFROM est d’apporter des leviers aux opérateurs pour leur permettre une meilleure maîtrise de ces phages, apportant une richesse organoleptique aux produits notamment grâce à la prise en compte l’ensemble des composantes de l’agrobiodiversité. Ceci passera par la création d’une collection de bactériophages de bactéries d’affinage qui rendra possible, en plus de la disponibilité de nouvelles ressources biologiques utilisable par les opérateurs dans le cadre de leurs essais, l’acquisition de connaissances autour de la diversité, la virulence et la génomique de ces phages. L’atteinte des objectifs du projet sera également permise par le développement d’outils opérationnels originaux (pipeline de traitement des données, outils de détection de phages nouveaux) et leur transfert direct vers les parties prenantes de la filière laitière. De façon novatrice, PHAGOFROM ambitionne d’identifier les réservoirs des phages depuis l’environnement de la ferme jusqu’au produit fini. Cela permettra, le cas échéant, de cibler précisément les réservoirs afin de limiter la présence et la dispersion de phages indésirables.
Une approche innovante qui passe par l’utilisation des outils de séquençage à haut débit permettra de décrire plus largement la biodiversité des phages de bactéries d’affinage au sein des agroécosystèmes laitiers (du lait au fromage), notamment dans des produits à défaut et leurs laits associés versus des produits sains. In fine, l’enjeu est de contribuer à la maîtrise de la typicité des fromages du territoire français, incluant ceux sous signe de qualité.
La présence et l’investissement en termes de moyens humains d’acteurs phare de la filière laitière permettront d’assurer l’efficacité des actions de sensibilisation, de diffusion et de transfert vers les opérateurs de la filière laitière.